Carême 1990 : RESSUSCITEZPorte ouverte sans peur"RESSUSCITEZ" Pasteur Jean-Marc VIOLLET — IV —
Poursuivant la lecture du chapitre 20 de l’évangile selon Saint Jean, nous parvenons ce soir, avec cette quatrième conférence du Carême protestant, au récit de l’apparition du Ressuscité aux disciples. Ecoutons ce récit : Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : "La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie". Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : "Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus". Avant de commencer notre méditation, un mot. A plusieurs reprises, et ici encore, le 4° évangile utilise une expression qui, mal comprise, nous choque et risque de justifier un anti-sémitisme dont nous savons à quelles extrémités il peut conduire : par crainte des juifs. Plusieurs d’ailleurs changeront d’avis. Il me semble important d’apporter cette précision, car il serait navrant d’accréditer, même involontairement, une sorte d’anti-judaïsme chrétien qui annulerait en fait le message de l’Evangile, nierait l’insertion de Jésus dans le judaïsme et défigurerait le Christ lui-même. Et maintenant, considérons ce qui se passe durant ce jour le plus long, ce premier jour de la semaine qui deviendra le dimanche des chrétiens. A l’aube, Marie de Magdala constate que la pierre du tombeau a été enlevée. Elle le dit avec empressement à Simon-Pierre et à un autre disciple qui voient le tombeau vide. Puis Marie de Magdala voit le Seigneur et annonce aux disciples : "J’ai vu le Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit". Le soir de ce même jour, les disciples ont peur et ils se sont réfugiés dans une maison, toutes portes verrouillées. Pour reprendre littéralement le terme grec utilisé, ils ont cette phobie qui les prive de tout contact avec le monde extérieur et qui les empêche d’entrer en communication avec les autres. Les portes verrouillées de la maison à l’intérieur de laquelle les disciples sont enfermés, sont le signe de cette fermeture au monde extérieur. Rien n’entre, rien ne sort. Privés de relations, les disciples apeurés sont des hommes inertes, inanimés. Lorsqu’il n’y a plus de communion possible, lorsque les hommes ne peuvent plus, ne souhaitent plus communiquer, la vie n’est plus au rendez-vous et les maisons qu’ils habitent deviennent des blockhaus. Et voici que Jésus a l’initiative d’une rencontre. Il vint et il se tint au milieu des disciples. Comme sa vie durant, il n’a cessé de rencontrer des hommes et des femmes pour les remettre en route : Nicodème, la Samaritaine, le paralytique, l’aveugle et bien d’autres encore ; ce soir-là, le premier de la semaine, Jésus rencontre les disciples. Il les retrouve là où ils sont (dans leur contexte) dans leur peur et il se fait reconnaître. Luc, l’évangéliste, nous décrira également la rencontre du Ressuscité sur le chemin d’Emmaüs avec deux hommes qui parlent ensemble de leur bonheur perdu avec la mort de Jésus. Jésus a bien remarqué l’air accablé de ces deux hommes et il s’enquiert : "Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ?". Jésus, qui n’a pas d’autre but que de rendre les hommes à l’espérance et au bonheur, ne fait pas prendre un autre chemin que celui qu’ils poursuivent. Il les rejoint sur ce chemin et il chemine à leurs côtés. Nous voudrions souvent que l’intervention de Dieu dans nos vies soit spectaculaire, change nos routes, modifie le profil de nos journées, qu’il nous emmène dans un ailleurs. Les chemins de Dieu ne sont pas autres que ceux des hommes. Nous le savons bien depuis que Dieu s’est fait homme en Jésus de Nazareth, mais nous acceptons difficilement qu’il ne nous fasse pas échapper à notre condition. Et c’est pourquoi la salutation de Jésus : "La paix soit avec vous !" n’est seulement la banale salutation que traduit notre "bonjour", mais elle exprime cette plénitude de vie que la présence et la personne de Jésus apportent : "Je vous laisse la paix, je vous donne la paix". Ce n’est pas un simple souhait, mais un don. Deux fois, cette formule reviendra dans le passage que nous méditons et, une fois encore, Jésus saluera les disciples ainsi en présence de Thomas. "Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie". Aujourd’hui encore, le Seigneur nous envoie, nous accompagne et nous attend. Il nous fait croire, aimer et espérer. Il est avec nous et sa présence au milieu de nous n’est pas statique, mais missionnaire. Par sa présence, il renouvelle sans cesse notre présent, assume une fois pour toutes notre passé et construit avec nous l’avenir, un avenir plein de promesses. C’est ce que proclame le prophète Esaïe : Le Seigneur, le tout puissant, va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses succulentes et de vins vieux décantés. Il fera disparaître sur cette montagne le voile tendu sur tous les peuples, l’enduit plaqué sur toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages et dans tout le pays il enlèvera la honte de son peuple. Il l’a dit, lui, le Seigneur. On dira ce jour-là : c’est lui, notre Dieu. Nous avons espéré en lui et il nous délivre. C’est le Seigneur en qui nous espérons. Exultons, jubilons, puisqu’il nous sauve ! L’envoi des disciples hier et des chrétiens aujourd’hui ne découle pas uniquement de l’événement de la Résurrection, mais il s’inscrit dans l’ensemble de la mission de Jésus. Au début de son ministère, Jean-Baptiste crie en voyant Jésus : "Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde...". Et Jean porta son témoignage en disant : "J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui. Et je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser d’eau, c’est lui qui m’a dit : Celui sur lequel tu verras l’Esprit descendre et demeurer sur lui, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Et moi j’ai vu et j’atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu". On pense tout de suite au récit de la création de l’homme : Dieu insuffle dans ses narines un souffle de vie ; il lui communique son souffle et l’homme devient un être vivant. Le Saint-Esprit donné par le Christ, lié au Christ est à la mesure de la tâche à accomplir et du chemin à parcourir. Le Seigneur est vivant, nous ne sommes pas seuls. Ce temps qui nous semble être le temps de l’absence, le temps de la douleur et de la tristesse, le temps de la peur et du doute, est en réalité le temps de la présence pleine, totale du Christ. Le temps de la joie, le temps de la foi, le temps de l’Esprit : "Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre". Les disciples sont dans l’angoisse et dans la peur tant que Jésus est mort. Progressivement, il |